Décès de Miriam Makeba : L’Afrique orpheline de sa légendaire « Mama »

On la savait malade. Mais, jamais elle n’a quitté la scène. C’est pourquoi nous pensions finalement qu’elle était immortelle...

Hélas, Miriam Makeba s’est éteinte après un concert de soutien à Roberto Saviano, l’auteur du film « Gomorra », menacé de mort par la Mafia, à Naples (Italie). Elle a succombé à une crise cardiaque le 9 novembre 2008. Elle avait 76 ans.

Mourir sur scène ! N’est-ce pas une belle fin pour quelqu’une qui a consacré toute sa vie à défendre les causes nobles à travers sa musique, donc son talent ? Et Miriam Makeba a eu cet immense plaisir et bonheur. Alors qu’elle s’était rendue en Italie pour un concert de soutien à Roberto Saviano, elle venait de faire son ultime tour de chant.

Un concert mémorable. Le public l’acclamait et en redemandait, lorsqu’elle a été découverte évanouie, étendue sur le sol. Transportée d’urgence à l’hôpital, elle est décédée à la clinique Pineta Grande de Castel Volturno, des suites d’une crise cardiaque.

La légendaire et affectueuse « Mama Africa » avait été la première chanteuse africaine à rencontrer un succès international. Mais, la grande dame fut aussi une combattante de tous les instants, se servant de sa notoriété pour défendre ses convictions sur la planète entière. Jusqu’à sa mort, elle a incarné la lutte contre la ségrégation raciale, l’injustice et pour le respect de la dignité humaine. Mama Miriam fut une artiste très engagée.

Née le 4 mars 1932 à Johannesburg d’une mère Swazi (Nomkondela) et d’un père Xhosa (Caswell Makeba), Miriam Makeba, de son vrai prénom « Zenzi » (diminutif de Uzenzile), était a été une figure emblématique de la lutte anti-apartheid. Chanteuse principale du groupe « The Manhattan Brothers », elle se retrouva en tournée aux Etats-Unis en 1959, puis contrainte à l’exil après une apparition dans le film « Come back Africa ».

Installée aux Etats-Unis, elle est la voisine de Dizzy Gilespie et fréquente de nombreux musiciens de jazz comme la chanteuse Abbey Lincoln. En 1961, Miriam est la seule africaine à participer à l’hommage rendu au Président Kennedy. En 1965, elle fut aussi la première femme noire à remporter un Grammy Awards, partagé avec le chanteur Harry Belafonte pour leur disque commun, « An evening with Harry Belafonte and Miriam Makeba ».

En 1963, la star au cœur humble épouse le célèbre trompettiste sud Africain Hugh Masekela, de qui elle divorcera quelques années plus tard. En 1969, elle épouse Stokely Carmichael, l’un des chefs des « Black Panters » américains, figure contestée de la lutte pour les droits civiques. Elle est malheureusement contrainte de s’exiler en Guinée par la justice américaine. Elle y vivra longtemps sous l’aile protectrice de Sékou Touré.

Une citoyenne universelle

Décorée par la France en 1985, Miriam Makeba recevra le titre de Commandeur des Arts et des Lettres et la nationalité française en 1990. Elle est citoyenne honoraire d’une dizaine de pays. Après son accession au pouvoir, Nelson Mandela la persuade de rentrer en Afrique du Sud. En 1992, elle apparaît dans le film « Sarafina » qui raconte les émeutes de Soweto en 1976.

En 2000 elle enregistre « Homeland », un éloge à sa terre natale. Des stars comme Lokua Kanza participent à cet album, le dernier d’une longue et riche carrière. Cet opus contient une chanson dans laquelle elle évoque sa joie de retrouver sa terre natale après tant d’années d’exil.

Une période de sa vie qu’elle a consacrée à la lutte anti-apartheid et au cours de laquelle elle a témoigné à deux reprises devant les Nations unies.

«  J’ai gardé ma culture intacte. J’ai su préserver la musique de mes racines. Je suis devenue une voix, une image de l’Afrique sans que je m’en rende compte », confie-t-elle dans sa biographie. Le concert de soutien à Roberto Saviano symbolise l’ultime combat d’une femme qui a toujours combattu pour la liberté des peuples.

A 73 ans, Miriam Makeba avait annoncé son intention de se retirer de la scène, mais elle tenait d’abord à saluer son public dans tous les pays où elle s’était produite. Lancée en septembre 2005, sa longue tournée d’adieux dura quatorze mois.

Un véritable périple, à l’image de son existence. Et depuis, elle se contentait de quelques prestations de prestige pour contribuer à la défense des bonnes causes comme le concert de dimanche dernier qui lui a pris son dernier souffle. Miriam Makeba est restée généreuse et engagée jusqu’aux derniers instants de sa vie riche et tumultueuse vie. Dors en paix, Mama Africa !

Aïssata Bâ

10 Décembre 2008